Entretien avec Teresa Garcia Rivera, directrice de recherche - comité scientifique LACT.
Directrice fondatrice de CIRCE (représentante officielle du MRI de Palo-Alto pour l'Europe francophone).
Cet entretien concerne l'amélioration du module de saisi de l'outil de base de donnes utilisé dans le cadre du programme de recherche LACT.
Teresa Garcia
Le travail que tu viens de me présenter quant à l’organisation de la base de données est très intéressant. Mon avis est que les données seraient plus faciles à analyser par pathologies mais que cela n’aurait aucun sens pour nous, aucun intérêt pour nous, praticiens de Palo Alto, de nous limiter pour la recherche à une ou plusieurs pathologies. Nous sommes des gens de problems solving et avec notre méthode et notre expérience, le nombre de patients que nous voyons, les chiffres vont parler d’eux-mêmes. Il n'y a pas trop de souci à se faire et nous avons du temps devant nous.
Tout dépend en fait de ce que l'on veut. Si nous avions envie d'aquérir une légitimité auprès des hôpitaux psychiatriques pour dire "oui ça marche avec la méthode de Palo Alto", on pourrait évidemment se limiter à 3 ou 4 pathologies et se focaliser là-dessus : la dépression mélancolique, la paranoïa, la schizophrénie....par exemple. Mais ce n'est pas ce qu'on cherche n'est-ce pas ?
Ma suggestion est donc de prendre le plus petit dénominateur commun comme point de départ, c’est-à-dire le symptôme ou le syndrôme.
Grégoire Vitry
Je me suis dit aussi qu'on n'allait pas s'enfermer tout de suite dans des catégories trop strictes.
J'ai fait une liste "relationnelle" de problèmes. Pour les pathologies, on a choisi pour le moment le classement suivant : problèmes de relation à soi, problème de relation aux autres, à l'organisation ou au monde....
Teresa Garcia
Pourquoi ne mets-tu pas symptôme/syndrôme ?; si une personne souffre de boulimie parce qu'elle a un problème de boulot par exemple, ou qu'elle a des troubles anxieux parce qu'elle ne s'entend pas avec son mari........c'est plus ça non ?
Grégoire Vitry
Que penses-tu d’un classement alphabétique mais sans regroupement par catégories, comme dans le DSM ? Ce tableau serait validé par 3 ou 4 thérapeutes.
Teresa Garcia
Oui, c'est bien. Je laisserais en effet toute la liste mais sans les catégories. Car chacun peut vouloir relier les manifestations symptomatiques à sa façon, selon son propre centre d'intérêt, et il nous faut de toute façon quelque chose de plus permanent que le DSM.
Nous pourrons de plus ainsi faire autant de croisements que nous voudrons et dire par exemple “telle personne présente tel symptôme + tel autre + tel autre encore et la thérapie a particulièrement bien fonctionné". "On peut également se rendre compte de la fréquence de deux ou trois associations de symptômes et/ou trouver une caractéristique complémentaire commune. L'analyse est du coup beaucoup plus riche. Quelqu'un pourrait se dire "tiens, on va regarder chez quelqu'un qui a du vaginisme, quel autre problème elle a".
Grégoire Vitry
C'est une très bonne idée et c'est simple à faire ; je vais donc modifier en ce sens et faire valider.
Teresa Garcia
Tu peux faire un premier jet ; et on verra dans six mois comment les choses évoluent. Si une pathologie apparaît dans 4 mois et devient "super à la mode", il va bien falloir l'intégrer. Par exemple, on vient en ce moment beaucoup me consulter pour le binge drinking.
Grégoire Vitry
Concernant le Comité scientifique, mon idée, c'est qu'il y ait un tout petit nombre de personnes, dans une logique de recherche. Les gens qui encodent vont nous faire des retours d'expérience intéressants et les discussions autour de cela, pour être constructives, doivent se faire avec peu de monde à la fois, par vidéo conférence.
Teresa Garcia
J'ai trouvé pour le moment 6/7 personnes pour encoder.
Grégoire Vitry
C'est déjà bien. Une des forces de l'étude, ça va être le nombre de cas. J'ai aussi l'idée qu'il va y avoir d'autres partenaires qui n'encoderont pas car ne pratiquant pas le modèle de Palo Alto, mais qui nous feront aussi des retours.
Teresa Garcia
Dans toutes les universités du monde, on parle de 6 émotions en ajoutant la surprise (les traumas), et le dégoût aux 4 que tout le monde connaît.
Grégoire Vitry
Ensuite par rapport aux logiques. Pour moi l'objectif est de savoir pour la recherche : quand on a fait le rv, comment on évalue, quels sont les symptômes et quelle est la stratégie. Le reste est optionnel. Mais du coup, je me dis qui va renseigner les tentatives de solution.
Teresa Garcia
Si les gens ont envie de le faire, ils vont l'écrire. Je peux entendre les logiques de solution mais si chacun écrit la tentative de solution, ça va être compliqué. Il faut qu'on se mette d'accord sur la manière dont on l'écrit.
Grégoire Vitry
Oui, mais c'est surtout pour faciliter le travail du thérapeute au quotidien. Je ne fais pas de statistiques sur les verbatim, je ne peux pas.
Teresa Garcia
Tu as aussi pris en compte les prescriptions/tâches ; c'est je trouve une partie importante car beaucoup de thérapeutes sont très créatifs dans ce domaine, comme Claude et moi par exemple, et ça va être extrêmement riche.
Grégoire Vitry
Du coup, comment on va les encoder. Car si on a 200 tâches, ça ne va pas vouloir dire grand'chose. Je te propose de te transmettre toutes les tâches que j'ai listées et tu vas me dire ce que tu en penses.
De même pour les recadrages/aphorismes/métaphores ; parfois, ça peut devenir des tâches. On va donc aussi les encoder et créer une espèce de base de connaissances. On pourrait par exemple noter quel aphorisme/recadrage marche pour tel ou tel symptôme. Là encore, on peut s'apercevoir par des croisements qu'une métaphore marche très bien sur des symptômes très différents.
Teresa Garcia
Tu pourrais demander à quelques thérapeutes de lister les prescriptions/tâches qu'ils donnent le plus souvent et on verra ce qui revient le plus souvent et comment elles sont rédigées. Ce qui va t'aider pour l'encodage.
Grégoire Vitry
J'en viens maintenant à l’analyse des risques psychosociaux : ça concerne les entreprises. Est-ce que le risque est grave ou très grave, est-ce qu'il peut se reproduire, etc........ça je l'ai laissé. Nous, ça nous sert.C'est bien, parce que c'est le langage du client. Si un jour on a un laboratoire qui est dans le milieu du travail, ce serait intéressant pour lui.
Teresa Garcia
L'intérêt de l'outil est en effet d'en faire quelque chose de très large pouvant être utiliser par des populations très différentes : des universitaires, des étudiants en master, des étudiants en médecine, des médecins même....
Pour les médicaments qui ne portent évidemment pas le même nom dans tous les pays, il n'y a pas trop de difficultés car on doit pouvoir trouver les équivalences sur internet.
Teresa Garcia
Je vais maintenant, après notre entretien, envoyer les liens à mes partenaires de recherche qui encodent et à mes collègues de Mons et de Liège s'agissant des partenaires de recherche.
Grégoire Vitry
Merci pour tout cela.