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stress post traumatique 247x165 2Les psychologues et consultants du cabinet Lact ont réalisé plus de 400 entretiens après les attentats de Paris. Claude de Scorraille est psychologue du travail, présidente et co-fondatrice de ce cabinet spécialisé dans la prise en charge des situations de stress aigu et post-traumatique. Elle décrypte, pour La Gazette, ce qui se passe après un événement traumatisant qui peut toucher des personnels, des collègues ou des collaborateurs. 

Les psychologues et consultants du cabinet Lact fondent leur méthode sur l’approche systémique de Palo Alto. Ils intervenaient au salon Best sur les risques psycho-sociaux, le 19 janvier 2016, au Palais Brongniart à Paris. Leur conférence peut être consultée sur le site www.lact.fr.

Comment surmonter un événement traumatisant ?

Plus on dispose d’un cadre sécurisant permettant de se reposer de la violence vécue, mieux on pourra s’en remettre. Pour certaines personnes, le cadre sécurisant consiste à retrouver rapidement son contexte de travail, qui correspond à une forme de normalité.

91 % des personnes qui ont vécu des événements traumatisants parviennent à gérer ces situations, car l’être humain est programmé pour être résilient face aux épreuves. Seules 9 % ont des difficultés. Pour ces personnes plus fragilisées, l’entourage joue un rôle important, en leur permettant de se reposer, pour s’apaiser et se retrouver. Un événement violent, c’est un énorme désordre, une réalité nouvelle perturbante. Les personnes concernées ont besoin de repos. Elles se retrouvent dans une réalité ébranlée, après avoir été dans une expérience extrême.

Or, un athlète après une épreuve, une fois le point d’arrivée franchi, ne revient pas tout de suite dans l’action. Il diminue son action progressivement avant d’aller se reposer. Cet apaisement peut se faire naturellement. Il est différent d’une personne à l’autre. C’est ce qui est ressorti après les attentats du 13 novembre.

Que se passe-t-il pour les personnes qui restent traumatisées ?

Un événement traumatisant l’est d’autant plus qu’il est médiatisé. Il y a un discours politique autour des attentats. On a parlé de guerre. Ce discours rajoute à la difficulté de s’en remettre. Il y a toujours un avant et un après.

Mais pour que la résilience s’opère, il faut que la personne puisse être dans un cadre lui permettant d’être active face au désordre que le trauma occasionne à tous les niveaux. Certains auront besoin de verbaliser ce qui s’est passé, mais il est important de surveiller cette verbalisation. C’est le rôle des cellules d’écoute. Ce que la personne dit est une reconstruction. De l’expérience vécue, elle extrait des choses qui lui sont propres et en tire des conclusions.

Un événement traumatisant l’est d’autant plus qu’il est médiatisé

Certains diront que le monde est « pourri » et se verront dans une réalité très sombre. D’autres estimeront que le danger est partout et se sentiront persécutés. Ces personnes auront des difficultés à sortir de chez elles et à prendre les transports. D’autres composeront avec cette expérience en se connectant au fait qu’ils ont eu de la chance et qu’ils ont été actifs par rapport à cette chance.

Dans la façon dont ces personnes se relient à l’événement passé, elles se construisent une nouvelle réalité. Même dans un accident de voiture, la personne peut être « activement passive ». Le fait de se connecter à cela permet de mesurer que l’on n’a pas fait que subir l’événement.

Il est très important pour l’être humain de recontextualiser l’action. Car dans un trauma, quelque chose s’est figé et se réactive dans le présent. Les images d’une rue sombre avec des portes fermées ou le son des sirènes restent et créent le stress aigu. La personne va essayer d’éviter la situation.

En contexte professionnel, faut-il inciter ces personnes à consulter ?

Le plus on donne le choix à ces personnes de voir un spécialiste, le mieux c’est, si elles en éprouvent le besoin. La façon dont on va l’écouter va être très déterminante. Il est important de ne pas lui refléter que ce qu’elle a vécu est profondément épouvantable.

Pour aborder ces situations, il est nécessaire d’être formé, pour être en capacité de se limiter à entendre et aider cette personne à envisager différents aspects de ce qu’elle a vécu et de ce qui lui fait peur. Il s’agit de normaliser le choc.

En général, les gens culpabilisent beaucoup. Ils peuvent éprouver de la colère, de la peur, de la douleur, un ébranlement de leur système de valeurs. Mettre un cadre qui favorise le besoin de convalescence ne veut pas dire forcément envoyer ces personnes chez le « psy », mais leur offrir la possibilité d’être dans une réalité sécurisée.

Quelle attitude avoir, au travail, quand un collègue ou un collaborateur a été victime, est rescapé ou proche de personnes touchées ?

Quand une personne de notre entourage est touchée personnellement, se pose la question de la façon dont on va se relier à elle, prendre en compte ce choc et ses difficultés. On peut offrir de la bienveillance, être empathique, observer comment elle réagit. Présente-t-elle des changements ? C’est seulement si, dans le temps, des signaux préoccupants apparaissent, que l’on peut s’inquiéter, si le retour à la vie ne se fait pas correctement.

Il s’agit de permettre à ces personnes de se replacer dans une réalité porteuse de bien-être, sans considérer qu’elles ne sont plus capables de revenir au travail. Certains seront dans cette difficulté, d’autres non, car le travail est un facteur de santé.

Contrairement à ce que demandent certains représentants syndicaux qui estiment que ces personnes doivent rester chez elles, la recommandation, c’est de laisser revenir ces salariés, en prenant en considération l’événement, en étant attentif aux difficultés qui pourraient apparaître et en offrant des espaces de parole, sur la base du volontariat.

A quoi recommandez-vous d’être particulièrement attentif envers des personnels ou des métiers exposés ?

Même s‘il est normal d’être affecté, il n’est pas anormal de se sentir bien. Le stress post-traumatique peut arriver plus tard, s’inscrire dans la personne qui va vouloir oublier ce qui l’a choquée, effacer ce qui a été. Or effacer ce qui s’est passé est impossible. Les vraies situations de stress post-traumatique se voient plus tard. Si les choses s’aggravent, la personne s’effondre. Les études montrent qu’il faut à peu près quatre semaines pour retrouver ses ressources.

Quand certains métiers ont été plus exposés, s’il y a une recommandation à faire, ce serait d’observer ces populations pour voir si des signaux nouveaux pourraient être la conséquence des événements. A l’inverse, certains métiers de la santé ou de la police sont prédisposés à gérer des risques. Ils s’y attendent. Cela fait partie de leur métier.

Que se passe-t-il dans les cellules d’écoute que vous mettez en place après des circonstances tragiques ?

Nous les organisons sur la base du volontariat. Elles permettent de poser des questions, de donner du sens à l’événement et se révèlent très efficaces. Dans certains cas, l’événement réveille un stress post-traumatique antérieur. En moins de dix séances, notre équipe parvient alors à colmater, à remettre en mouvement des mécanismes de résilience. Il s’agit de s’occuper de ces personnes sans dramatiser et sans se projeter sur ce qu’elles racontent. Car on peut « enfoncer » une personne avec les meilleures intentions du monde. On n’est alors plus en capacité de lui offrir de l’aide.

Notre méthode consiste à dire que même si la personne a vécu l’enfer, il lui faudra retraverser cet enfer ou cette douleur différemment. C’est la seule façon de s’en sortir. Mais actuellement, nous manquons de psychologues formés à la gestion des traumatismes.

Nous manquons de psychologues formés à la gestion des traumatismes

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