Cet article présente l'insomnie sous un nouvel angle : celui de l'approche systémique. Il explore les différentes facettes de ce trouble du sommeil courant, des critères diagnostiques aux schémas interactionnels, pour mieux comprendre ses mécanismes et ses implications.

Identifier les différents troubles du sommeil

Identifier les différents troubles du sommeil

Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-5 fait état de 10 troubles ou groupes de troubles de l’alternance veille-sommeil au nombre desquels l’insomnie.

Les autres troubles étant l’hypersomnolence, la narcolepsie, les troubles du sommeil liés à la respiration, les troubles de l’alternance veille-sommeil lié au rythme circadien, les troubles de l’éveil en sommeil non paradoxal, les cauchemars, les troubles du comportement en sommeil paradoxal, le syndrome des jambes sans repos et les troubles du sommeil induits par une substance/un médicament. 

L’insomnie: un trouble du sommeil très fréquent

Quelques chiffres

Un tiers des adultes environ rapporte des symptômes d’insomnie 

10 à 15 % des perturbations diurnes associées 

6 à 10 % les symptômes requis pour le trouble insomnie. 

Le DSM-5 précise qu’en médecine générale, environ 10 à 20 % des individus se plaignent de symptômes d’insomnie significatifs (Ohayon, 2002 ; Roth et al., 2006). 

Typiquement, les individus souffrant d'insomnie se plaignent d’une : « [...] insatisfaction liée à la qualité, au moment de survenue et à la quantité de leur sommeil. La détresse et la déficience qui en résultent la journée sont des caractéristiques essentielles de tous ces troubles de l’alternance veille-sommeil. » 

En effet, la dégradation de l’état des patients en journée est formalisée par : 

« [...] diverses plaintes et symptômes diurnes (Buysse et al. 2007), comme de la fatigue, une diminution de l’énergie et des perturbations de l’humeur. Des symptômes anxieux ou dépressifs ne remplissant pas les critères d’un trouble mental spécifique peuvent être présents ainsi qu’une très grande sensibilité aux répercussions diurnes d’un manque de sommeil. » 

Qu’est-ce que l’insomnie ? 

Critères diagnostiques du DSM-5 

Le DSM-5 établit une liste de critères diagnostiques permettant de distinguer les troubles de l’alternance veille-sommeil évoqués.

La classification de l’insomnie notée 307.42 (F51.01) répond aux critères suivants : 

Les symptômes

La plainte essentielle concerne, chez l’adulte, une insatisfaction liée à la quantité ou à la qualité du sommeil, associée à un (ou plusieurs) des symptômes suivants : 

  • Difficulté d’endormissement 
  • Difficulté de maintien du sommeil caractérisée par des réveils fréquents ou des problèmes à retrouver le sommeil après un éveil. 
  • Réveil matinal précoce assorti d’une incapacité de se rendormir. 

La perturbation du sommeil est à l’origine d’une détresse marquée ou d’une altération du fonctionnement dans les domaines social, professionnel, éducatif, scolaire ou dans d’autres domaines importants. 

  • Les difficultés de sommeil surviennent au moins 3 nuits par semaine. 
  • Les difficultés de sommeil sont présentes depuis au moins 3 mois. 
  • Les difficultés de sommeil surviennent malgré l’adéquation des conditions de sommeil. 
  • L’insomnie n’est pas mieux expliquée par un autre trouble de l’alternance veille-sommeil ni ne survient exclusivement au cours de ce trouble (p. ex. narcolepsie, trouble du sommeil lié à la respiration, trouble du sommeil lié au rythme circadien, parasomnie). 
  • L’insomnie n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament). 
  • La coexistence d’un trouble mental ou d’une autre affection médicale n’explique pas la prédominance des plaintes d’insomnie. 

La consultation du DSM-5 constitue une référence clinique et, en ce sens, permet de diriger l’anamnèse afin de recueillir les éléments inclusifs ou exclusifs à la classification de la pathologie. Aussi, il permet de discriminer l’insomnie des autres troubles par un diagnostic différentiel.

Exploration approfondie de l'insomnie 

Enrichir l'anamnèse avec le questionnement de Richard J. Schwab (manuel MDS)

En vue de recueillir toutes données utiles au diagnostic clinique, il peut-être pertinent

d’adjoindre à l’anamnèse le questionnement de Richard J. Schwab (2022) dans le manuel MSD.

En effet, l’anamnèse de Richard J. Schwab compile les données suivantes :

  • la durée et l'âge de début des symptômes et tout événement (p. ex., un changement de vie ou professionnel, un nouveau médicament, une nouvelle maladie) qui coïncident avec le début du trouble. 
  • Les symptômes au cours du sommeil et diurnes doivent être relevés. 

La qualité et la quantité de sommeil sont identifiées en déterminant les points suivants:

  • Heure du coucher (les événements à l'heure du coucher). 
  • Latence du sommeil (temps du coucher à l'endormissement) 
  • Nombre et temps de réveils 
  • Heure du réveil matinal final et nombre de levés 
  • Fréquence et durée des siestes 
  • Qualité du sommeil (qu'il soit reposant) 
  • La consommation et le sevrage de médicaments, d'alcool, caféine et la nicotine ainsi que le niveau et la durée de l'activité physique doivent également être notés .

Si l'on remarque que l'anamnèse de Richard J.Schwab ne relève pas la fréquence de l'insomnie, ni sa récurrence ou les comorbidités éventuelles, elle présente néanmoins l’intérêt d’introduire la notion d’événements. Ainsi elle permet de voir comment le trouble se déroule, à savoir: comment il existe. 

L’insomnie psychophysiologique c’est quoi?

Selon le DSM-5 : « Ce type d’insomnie persiste bien au-delà de la résolution des facteurs déclenchants, habituellement parce que les patients présentent alors une anxiété anticipatrice d'une autre nuit sans sommeil suivi par un autre jour de fatigue. Typiquement, les malades passent des heures au lit en ruminant sur leur insomnie et ils ont davantage de difficulté d'endormissement dans leur propre chambre que lorsqu'ils dorment à l'extérieur. » 

En outre, s’il est relevé que l’insomnie procède de facteurs environnementaux, génétiques ou physiologiques, il est toutefois noté que les facteurs tempéramentaux maintiennent généralement le trouble :  « Une personnalité ou un style cognitif anxieux ou prompt à l’inquiétude, une prédisposition à un niveau de vigilance élevé et la tendance à refouler les émotions peuvent augmenter la vulnérabilité à l’insomnie. » 

Dans Une logique des troubles mentaux (2016, p.31), Wittezaele et Nardone pointent les limites et les inconvénients d’une classification médicale des troubles mentaux. 

« Pour les thérapeutes systémiques que nous sommes, ce qui manque surtout au DSM, c’est la description des réactions des patients lorsqu’ils sont confrontés aux situations qui génèrent les symptômes. » 

Et d’ajouter : « [...] le DSM donne une photographie de la personne là où nous aurions besoin d’un film qui montre les interactions entre le patient et lui-même et son contexte de vie. » 

Nous relevons toutefois dans le DSM-5, et même si cela est insuffisant, que :

« Les facteurs perpétuant le trouble, comme de mauvaises habitudes de sommeil, des horaires de sommeil irréguliers et la crainte de ne pas dormir, alimentent le problème d’insomnie et peuvent contribuer à un cercle vicieux qui peut induire la persistance de l’insomnie. » 

Une vision systémique de l’insomnie

Une vision systémique de l’insomnie

L’approche clinique de l’insomnie introduit l’idée selon laquelle la peur (ou crainte de ne pas dormir) pourrait être un axe central au sein du système perceptivo-réactif du sujet, alimentant le problème de l’insomnie en entretenant un « cercle vicieux ». 

Si l’essentiel pour le systémicien, à savoir les réactions comportementales à la crainte de ne pas dormir, fait défaut au diagnostic, cette « anxiété anticipatrice » est introduite en même temps que des éléments de contexte (« les malades passent des heures au lit en ruminant sur leur insomnie »), qui selon nous excèdent le champ de la physiopathologie et ouvrent possiblement une fenêtre sur une vision systémique de l’insomnie. 

Faire système : introduction aux principes fondamentaux de l’approche systémique 

L’approche systémique élaborée par les membres de l’Ecole de Palo Alto, décrit le trouble comme la rigidification du système de perception-réaction du sujet maintenu et alimenté par des tentatives de solutions dysfonctionnelles répétées. 

Les propriétés fondamentales des systèmes justifient leur tendance naturelle à se maintenir par un phénomène d’autorégulation qui augmente la résistance au changement. 

L’homéostasie, tout d’abord, justifie la propension du système à éviter les changements pour maintenir son environnement. Ses mécaniques de régulation lui permettent de se maintenir dans un état stable selon un principe physique d’inertie newtonien : le changement est mouvement. Il demande force, énergie et risque. Cette homéostasie est épistémologique et non axiologique : un système peut être dysfonctionnel et chercher à se maintenir. Les effets de cette régulation dysfonctionnelle sont alors réemployés à alimenter le système dysfonctionnel dans une boucle qualifiée précédemment de cercle vicieux.

Le principe d’équifinalité ensuite. La structure des interactions d’un système à un moment explique mieux son fonctionnement que l’histoire du système. Le système actuel est sa propre justification. De ce fait, et suivant un principe circulaire plutôt qu’une causalité linéaire, la clarification des modes actuels de fonctionnement ou dysfonctionnement du système, permet de résoudre les dysfonctions et non pas l’étude des causes antérieures. 

Le principe de totalité enfin. La circularité des causes constitue un tout qui, en vertu des propriétés émergentes et imprévisibles des parties en relation, est plus que la somme de ses parties. Le système en lui-même explique le comportement des individus et non l’inverse. 

Nécessairement relationnel et interactionnel, inspiré de la théorie cybernétique de Bateson qui met en évidence l'existence de boucles de rétroaction dans les systèmes physiologiques et techniques, tout système se pense en termes de feedback

« Dans tout système, les entrées sont transformées en sorties par le transformateur. Les entrées résultent de l'influence de l'environnement sur le système, et les sorties de l'action du système sur l'environnement. On appelle alors boucle de rétroaction, ou feedback loop en anglais, le mécanisme qui renvoie à l'entrée du système, sous forme de données, les résultats d'une transformation ou d'une action dépendant de la sortie » (Cambien, 2008, p.22). 

En 1951, Bateson et Ruesch transposent prudemment la démarche conceptuelle systémique aux relations humaines (Wittezaele, Garcia-Rivera, 1992) dans leur ouvrage Communication et Société. 

L’éclairage systémique engage une lecture interactionnelle des processus de communication entre les éléments d’un système, creusant le sillon des champs d’investigation contextuels dans la continuité gestaltiste. 

Les relations interpersonnelles et notamment familiales sont relues à cette lumière notamment à travers l’observation de la communication de patients schizophrènes. 

Mais comment comprendre ce principe rétroactif dans la relation à soi ?

Le schéma interactionnel d’un trouble autoréférent 

Dans le cadre d’une difficulté de maintien du sommeil ou de rendormissement suite à une période d’éveil, l’étude du système perceptivo-réactif à travers la rédaction d’un schéma interactionnel nous permet de visualiser les enjeux d’une communication intrapersonnelle. Nous comprenons par communication, émission et réception de signaux s’influençant mutuellement. Dans ce type de trouble, la perception du sujet influence sa réaction qui alimente sa perception dans un processus infini dont l’aboutissement inévitable est la rigidification du trouble. 

Une première insomnie circonstanciée peut générer une sensation inconfortable et faire naître la crainte que cet inconfort persiste ou se reproduise. La peur perçue doit être compensée par des tentatives de solutions – ou réactions – obéissant à différentes logiques typiques. 

Parmi les types de réponses diverses apportées à cette peur, nous trouverons par exemple le fait de ne pas vouloir se coucher avant d’être fatigué à l’extrême pour se prémunir d’une insomnie à venir ; le fait de compenser une dette de sommeil par des siestes ; le fait de développer des rituels envahissants ou encore le fait d’ignorer l’insomnie en feignant de dormir sans y parvenir. 

Ces réponses ou réactions sont le fruit d’une expérience passée, généralement fructueuse. Voyant que dans ce contexte précis et nouveau, la réponse ne fonctionne pas, le sujet est tenté de faire plus de la même chose attribuant l’échec de sa stratégie à l’intensité ou à la quantité de réponse plutôt qu’à sa qualité. 

À la crainte de ne pas dormir s’ajoute celle du constat de son impuissance à mettre en œuvre une solution opérante. L’esprit bute sur cet échec ; la peur augmente de manière exponentielle ; la réaction se densifie. Ainsi se construit la boucle de rétroaction autoréférente.

Que ces réponses obéissent à une logique de contrôle, d’évitement ou de croyance, toutes sont mues par une intention commune qui est celle de vouloir dormir. 

Dans Pas dormir, Marie Darrieussecq (2021, p.200-201), formule le paradoxe de cette manière : « Pour dormir, il ne faut pas vouloir dormir. (...) Comment vouloir ce qui devrait aller de soi ? On ne peut pas décider de danser avec grâce… Vouloir la spontanéité c’est se raidir… Vouloir oublier c’est se souvenir encore… Et vouloir tomber amoureux c’est le mariage de la raison… 

« Vouloir consciemment s’endormir, disait avec bon sens le docteur Jivago, c’est l’insomnie à coup sûr. » L’insomnie se nourrit de l’effort de dormir comme les spectres s’abreuvent à notre peur. » 

Dans une perspective systémique, le thérapeute doit donc s’atteler à identifier cette boucle de rétroaction et les tentatives de solutions redondantes utilisées à défaut comme stratégie par le patient. 

Pour autant, l’identification de la circularité ne constitue que les prémisses d’une intervention qui se pense stratégiquement, c'est-à-dire dans le souci permanent de l’adhésion du patient à ce volte face stratégique qui l’opposera, en un sens, à lui-même. 

« Comment, demande-t-on, peut-on motiver une personne à accepter une interprétation de la « réalité » qui soit différente de la sienne propre ? » s’interroge-t-on dans Stratégie de la thérapie brève (Watzlawick, Nardone, 1997, p.172) 

Nous pénétrons ici le champ des émotions. 

Le volte-face dont nous parlons, bien en amont de sa finalité (arrêt des tentatives de solutions redondantes puis, parfois, prescription à 180°) intervient dès l’anamnèse notamment par le biais de recadrages, et en cela, sur la redéfinition du problème. La détermination de l’objectif peut également en être impactée. 

La construction, la perception, l’interprétation du trouble pour lequel le client vient consulter s’en trouvent percutées ; la boussole émotionnelle, affolée, comme par l’effet d’une inversion du champ magnétique. 

À ce point de jonction, la systémie ne peut plus se penser sans stratégie.

Où se former ?

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